Projet lauréat du concours national de design "Bien vivre l'espace cuisine à tout âge : repenser le concept global de la cuisine". Ce concours est organisé par l'Association le Mans Créapolis et ses partenaires industriels et institutionnels. Mars 2012 (+info Créapolis - planches concours Download)
Projet réalisé par Baptiste Menu et Apolline Fluck

Le concept global de la cuisine questionne la morphologie d’un lieu de vie, la densité d’usages qu’il capitalise, son adaptation à la spécificité des besoins de ses usagers et l’interaction avec les pratiques hors habitat qu’il engendre. Dans une prospective de dix ans, la conjecture contemporaine augure une mutation du système économique vers une voie de dématérialisation fondée sur une économie de service. Les innovations technologiques s’accorderont à des innovations organisationnelles ayant potentiel à reconsidérer l’interconnexion de systèmes à plusieurs échelles. L’émergence de l’économie fonctionnelle, aménagée sur de nouvelles typologies d’usages des biens, dissociera la croissance de la stricte consommation de ressources matérielles. Si les usages polarisés sur la cuisine s’articulent à l’échelle interne du microcosme domestique -préparation et consommation des repas-, l’espace cuisine est à appréhender dans son interdépendance avec un écosystème territorial.

Comment se répercuteront ces métamorphoses sociétales sur la morphologie et le vécu de l’espace cuisine ?
Nous souhaitons formuler l’hypothèse d’un espace cuisine modulable et questionner les usages, qui de façon transversale et quotidienne, intègrent l’utilisateur à un système. Dans une dynamique d’adaptation à l’existant, l’enjeu est d’optimiser l’organisation générique de la cuisine selon cette articulation.

Compte tenu des évolutions sociétales en marche(1), notre proposition connecte une cuisine individuelle - adaptable à des structures familiales diversifiées -, à une extension polymorphe que nous nommons cellule de mutualisation.
À l’échelle d’une maison, d’une résidence, d’un immeuble ou d’un micro-quartier, nous imaginons un espace transversal dédié aux usages de la cuisine, à l’intersection de la sphère privée et de la sphère publique. Lieu d’une convivialité collective, nous l’envisageons comme l’intermède d’une mise à disposition d’éléments partagés et de prestations de service solidaires d’une mise en réseaux des acteurs. Le degré de mutualisation, de la plus légère à la plus sophistiquée, est à échafauder selon les collectivités concernées.

- Mutualisation, économie solidaire et convivialité
Pour limiter l’encombrement de l’espace cuisine par des ustensiles à usage ponctuel et permettre à chacun de bénéficier d'équipements sans leur nécessaire acquisition, nous projetons leur mutualisation(2). La location de l’usage se substituant à l’achat du bien, elle avantage l’amoindrissement des consommations d’énergie et de matières premières. À l’échelle des individus, l’objectif est de fournir une qualité de service et d’usage égale ou supérieure à celle du schéma classique, fondé sur la propriété des biens de consommation.
La mutualisation des services présuppose la mise en place de modes de gestion entre collectivités pour organiser location des biens, partage des coûts, frais d’entretien, assurance, réparation, etc. Complémentaire au produit, le design de service nécessite d’anticiper ce mode de fonctionnement via le développement de réseaux de service. Nous proposons comme amorce organisationnelle un espace de communication via une interface web, permettant à chaque habitant de réserver selon ses besoins les ustensiles qui lui sont nécessaires.

- Boîtes aux lettres gourmandes
La cellule de mutualisation comprend un aménagement de boîtes aux lettres alimentaires affectées d’un compartiment isotherme. Interface de réception accueillant à tout moment la distribution de denrées, elles favoriseraient des processus d’approvisionnement en expansion : livraison individuelle et collective à domicile à toute heure (personnes âgées, jeunes parents, gain de temps et confort pour l’usager actif), redistribution ou partage des produits dans le cas d’habitants désireux d’adhérer à une AMAP.

- Jardin urbain partagé
Si l’espace l’autorise, un potager compost serait propice à enclencher des expériences de jardinage, à évacuer les déchets organiques (boucle fermée) et à générer liens sociaux, intergénérationnalité, pédagogie et initiatives conviviales.

- Réduction des déchets à la source
La cuisine est le lieu de convergence des flux de l’habitat (eaux, énergies, matières). Dans la transition vers un développement durable, nous privilégions les stratégies de prévention complémentaires à l’approche end of pipe : avant le tri et l’évacuation des déchets domestiques s’impose la nécessité de réduire leur quantité en encourageant des comportements à faible empreinte écologique. Pour faciliter les déplacements de l’usager lors de l’approvisionnement, nous proposons sur le modèle du chariot un élément qui voyage entre les lieux de distribution et l’espace domestique. Les cagettes qu’il intègre, à l’image d’un panier, invitent l’usager à penser la réutilisation et l’usage parcimonieux des contenants qu’il manipule quotidiennement, dans une logique d’optimisation de la productivité des ressources (cf. planche avec photographies documentaires : boîte à œufs, bouteilles et pots de yaourts, etc.). Les cagettes prennent ensuite place sur des étagères prévues à cet effet dans la cuisine et deviennent éléments de mobilier pour le stockage des denrées.

- Scénarii d’usages modulables
Lieu de polyvalence, rythmé par la juxtaposition des activités et la convergence des individus, l’espace cuisine tend à se décloisonner et aspire à exister comme noyau de vie dans l’habitat. Afin de permettre la diversité des scénarii d’usages, nous proposons au sein de cette cuisine des éléments nomades permettant à l’usager d’inventer les modes alimentaires qui lui sont propres. Les plaques de cuisson peuvent ainsi déménager du plan de travail fixe jusqu’à la table. Le foyer, apporté sur le lieu même de la dégustation, invite à réinventer nos rituels du quotidien.

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Téléchargement des planches de concours.

(1) _ Problématiques environnementales, instabilité du pouvoir d’achat des foyers, gain d’espace, vieillissement des populations, nécessité de créer du lien social, émergence de modes d’approvisionnement et de réseaux de productions diversifiés - supermarché, marchés, petits producteurs, libre cueillette, AMAP -, intermodalité des denrées alimentaires, mutations urbaines, tri sélectif, nécessité de développer des circuits courts, relocalisation.
(2) _ Pierrade, service à raclette, fondue, couscoussier, yaourtière, sorbetière, crêpière, machine à pain, etc.
(3) _ Plantations d’herbes aromatiques à partager entre habitants, etc.